« Prison »
Un seul en scène coup de poing d’un prisonnier
3 décembre 2023
Prison est le premier volet d’une trilogie. Aymeri Suarez-Pazos est parti d’une nouvelle qu’il a écrite en 2012 et qu’il a remaniée et enrichie des années plus tard à la suite d’ateliers d’écriture menés en milieu carcéral.
Quand le spectacle commence, un jeune homme (Aymeri Suarez-Pazos) est assis sur une chaise devant une table face aux spectateurs comme dans un parloir. Un carré délimité par une bande blanche sert d’espace scénique et figure tous les lieux dans lesquels il va évoluer : la prison, sa cellule mais aussi les lieux de sa vie (chambre, maison, voiture, cinéma, classe, lycée, foyer, ville…). Cet espace restreint, sculpté par la lumière de Philippe Quillet, symbolise tous les lieux d’enfermement intérieur comme extérieur. Ses premiers mots sont des gestes saccadés, compulsifs et des expressions de visage qui traduisent ses états d’âme.
Pour survivre, il invente une langue brute à la Genet qui épouse les méandres de sa jeunesse fracturée. Il fait jaillir les prisons successives dans lesquelles il s’est trouvé enfermé cherchant désespérément son identité. Chaque pan de sa vie est travaillé chorégraphiquement avec l’aide de Chinatsu Kosakatani. Avec une énergie impressionnante et une grande précision, il utilise la table et la chaise qu’il déplace et renverse sur tout le plateau, véritable chaos extérieur reflétant son chaos intérieur. Il évoque sa mère morte trop tôt, son père avec lequel il a cherché toute sa vie une communication impossible, les femmes désirées inaccessibles, sa vie en foyer, au lycée et toutes les limites franchies dont la dernière qui l’a conduit en prison. La composition musicale de Charlène Martin nous fait entendre l’univers sonore de la prison, les sons de son univers intérieur qui peuvent se faire lyriques avec un extrait de la Tosca de Puccini en fond sonore.
Aymeri Suarez-Pazos habite totalement son personnage et nous capte par sa présence et son jeu habité.
Frédérique Moujart