Gargantua, un banquet philosophique au Théâtre de l’Escabeau
C’est à un véritable défi théâtral auquel se sont attelés le théâtre de l’Escabeau et la Compagnie des Puys pour accueillir ce samedi soir à guichet fermé, cent trente convives dans un dispositif scénique dînatoire où les plats de confection maison alternaient avec les tableaux tirés de cette “vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas abstracteur de quintessence”, deuxième roman que François Rabelais écrivit en 1534 à la suite du “Pantagruel”.
Et plat après plat, Rabelais nous entraîne avec ses personnages hauts en couleur dans une réflexion pleine d’une fantaisie philosophique, sur l’éducation des enfants mais aussi sur la pédagogie dont la méthode libérale si contemporaine du sieur Ponocratès, n’a rien à envier aux écoles Montessori et aux autres “libres enfants de Summerhill”.
Puis vient une merveilleuse leçon sur la guerre et les délires impériaux alimentés par les serviles conseillers de Picrochole, si vrais qu’on les croirait extraits de notre histoire pas si ancienne, et la magistrale réponse d’un Grandgousier par ce plaidoyer d’une paix universelle, là encore si actuel dans son énoncé !
Et bien sûr, dans cette rabelaisienne défense et illustration de l’idéal de la culture humaniste, on n’oubliera pas le “Fais ce que voudras”, devise accrochée au-dessus de la porte de l’abbaye de Thélème, utopie que se propose de bâtir Gargantua, avant que le dîner-spectacle se conclue sur une rêverie céleste devant la beauté du monde stellaire qui préfigure déjà les réflexions d’un Pascal sur l’infiniment grand et l’infiniment petit…
L’on ne peut que saluer la brillante réussite de ce spectacle fait de décors et de costumes d’une fantaisie à la hauteur du propos, comme la virtuosité lexicale des comédiens dans ces textes de haute voltige d’une langue française inépuisable, accompagnée d’une création musicale et vocale des plus plaisantes…
Gérard Poitou