Jean Grapin – La Revue du spectacle – “Au Banquet de Gargantua”

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“Au Banquet de Gargantua”, suivre les cycles naturels du désir, de la jouissance, de la satiété

“Au Banquet de Gargantua”, en tournée

C’est à Brioux, un festival au village, par le village, pour le village. Un village heureux d’accueillir des artistes qui s’y trouvent bien et des visiteurs venant de l’extérieur. Pour la trentième édition, un long prologue a été comme une joyeuse mise en abyme du festival lui-même.

Aymeri Suarez-Pazos (avec sa Compagnie des Puys) entend partager le goût des mots, le goût des mets, le goût des êtres, et rend hommage à François Rabelais, grand médecin, écrivain philosophe, et propose la tenue d’un banquet en l’honneur de Gargantua héros célèbre et méconnu.

Pantagruel, le père, préside avec toute sa faconde et invite à sa table un récitant, des musiciens, des chanteurs, des comédiens, des convives venus pour l’art, avec, au service de ses hôtes d’un soir, son panetier, ses échansons, le ballet des serviteurs et, en vis-à-vis, le traiteur du village muni de ses tranchoirs qui attaque son jambon au bouillon.

L’ordonnancement séquence la prise de victuailles et le récit. Le repas avance par le menu. Comme en entremets des intermèdes musicaux, des récits, des saynètes alternent qui illustrent des épisodes de la vie de Gargantua.

De sa naissance tumultueuse, de nourrisson jouisseur, de l’étudiant farceur à Paris, de guerrier valeureux et vainqueur de la guerre des fouaces picrocholines, du prince élégant tolérant et humaniste qu’il devient.

Et tout cela à suffisance, sans excès, ni goinfrerie dans le grand respect des principes de son auteur.

Rabelais a le sens du bien-être et de la bonne chère. Et les mots plaident la liberté. La tolérance. Avec ferveur. Goulûment. Dans la créativité, la crudité, l’opulence. L’auteur ne rechigne pas au merveilleux, au scabreux, au picaresque, aux envolées chevaleresques, à la gravité. Les mots ont l’esprit joyeux. À suffisance pour une pensée heureuse. L’œuvre, suivant en cela des cycles naturels du désir, de la jouissance, de la satiété, de la f(a)in(m), n’est pas exempte de mélancolie.

Ce banquet est vraiment délicieux.

Vu lors du Festival au village, à Brioux-sur-Boutonne (Deux-Sèvres), qui s’est déroulé du 6 au 13 juillet 2018.

Jean Grapin

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